La fertilité volcanique

 

 

 

Les Anciens ont constaté à juste titre que la cendre volcanique favorise la fertilité du sol. Il y a un étagement de la végétation et une exploitation agricole propre aux volcans, en trois niveaux principaux. A partir d’une certaine altitude, variable selon chaque volcan, le sol est stérile, le sommet restant trop cendreux et en pierre de lave dénudée. Le géographe Strabon écrit ainsi à propos de l’Etna : En haut, les terres sont dénudées, mêlées de cendre et recouvertes de neige en hiver. Procope montre l’étagement du Vésuve : la partie inférieure est tout autour recouverte par la végétation, mais la partie supérieure est accidentée et terriblement difficile d’accès.

L’étagement dépend de l’altitude du volcan et de l’intensité de l’activité éruptive : avant 79, pour l’Etna par exemple, la zone stérile semble plus importante que pour le Vésuve, qui, d’après le témoignage de Strabon, semble avoir été cultivé sur toute sa hauteur sauf le sommet même : Le Vésuve, qu’occupent entièrement, sauf au sommet, de très belles terres de culture disposées tout autour. Le sommet lui-même est en majeure partie plat, mais absolument stérile

La plupart des descriptions antiques montrent au moins un étagement binaire du paysage volcanique : la fertilité des sols volcaniques ne sert que les étages en-dessous du sommet stérile, et la végétation est souvent liée à l’accessibilité et à l’humanisation comme nous l’avons vu un peu plus haut avec Procope.

Mais l’étagement a pu être plus précisément défini avec trois niveaux : sous le sommet, les versants sont couverts de forêts, puis, plus bas, de « plantations variées », comme le montre Strabon à propos de l’Etna : au-dessous (du sommet), les forêts voisinent avec les plantations les plus variées.  On peut comparer cette répartition avec la réalité actuelle de l’occupation végétale du volcan, qui ne peut manquer d’être proche de l’occupation antique : une zone de culture (en bas jusqu’à 1000 m) avec une prépondérance de la vigne, une zone de forêt (entre 1000 et 2000 m), puis une zone trop élevée et froide, bien enneigée l’hiver (de 2000 m à 3313 m).

En fait, c’est le plus souvent la vigne qui se trouve plus bas car elle est un des piliers de l’agriculture antique. Les Anciens ont bien compris que le terrain volcanique est très favorable à la culture de la vigne. Ainsi, les vins du Vésuve et de l’Etna étaient célèbres et sources de richesse pour les cités alentours. L’Expositio célèbre les vins de grande qualité produits par les vignes de l’Etna : Les flancs de cette montagne portent de nombreux vignobles qui produisent des vins de grands crus.  A Pompéi et même hors de Campanie, on a retrouvé des amphores avec le nom du vin du Vésuve.

CIL IV, 2557 (et 2558, 2559) : VESUINI/ IMP. VESP. VI.COS.

CIL IV, 5622 (et 5623, 5624) : Lump(ae) Ves(uvianae)

CIL VIII, 22640, 31 : Ves(uvinum)

Pline l'Ancien, dans son livre XIV, parle du vin Aminneum du Mont Vésuve et de la vigne Pompeiana, très productive grâce à cette terre volcanique qu’il qualifie de « riche » (laeto). Strabon parle d’ « admirable fertilité des terres tout autour du Vésuve » et de « sol particulièrement favorable à la vigne », en le comparant à la région de Catane, au pied de l’Etna : L’admirable fertilité des terres qui l’entourent a, sans doute, la même origine, comme c’est le cas à Catane, où l’on assure que les surfaces recouvertes de cendres rejetées par les feux de l’Etna constituent un sol particulièrement favorable à la vigne. Il utilise même le verbe grec signifiant « engraisser » pour montrer l’action de la cendre sur le sol. La remarque sur la fertilité est tout à fait juste, mais l’explication scientifique de Strabon est fausse, car selon lui, comme on le voit ici, cet « engrais » des sols est d’abord un combustible volcanique qui s’évapore, s’éteint et se transforme en cendre.

La très belle fresque de la Maison du Centenaire nous présente de façon à la fois réaliste et symbolique ce Vésuve fertile d’avant l’éruption de 79.

fresque du Vésuve  de  la Maison du Centenaire, à Pompéi, IX, 8, 3-6. La peinture se trouve au Musée de Naples, inv. n°11286. Elle mesure 140 x 101 cm

L’intérêt est surtout dans la présence de cet étagement de la végétation et de l’importance de la vigne : le sommet, conique et non ouvert en forme de cratère traditionnel est de laves nues, stérile, puis les versants sont couverts d’arbustes ; au bas des pentes se trouvent les vignes, tenues par des perches, au côté desquelles se trouve Bacchus couvert de raisin, tenant le thyrse, avec une panthère à ses pieds : il est le symbole vivant de la vigne, sa personnification.

Cette représentation correspond tout à fait à la description de Strabon : La région est dominée par le Vésuve, qu’occupent entièrement, sauf au sommet, de très belles terres de culture disposées tout autour et elle évoque les vers de Martial  qui, en 88 ap. J.-C., regrette le Vésuve d’avant 79 hier encore verdoyant et couvert de vignes qui donnait un des meilleurs vins campaniens (nobilis uua[), et qui était, dit-il, cher à Bacchus.

Plus d’un siècle après la grande éruption, les Romains ont visiblement réinvesti les pentes du Vésuve même s’il est toujours une activité, puisque Dion Cassius témoigne que ses sommets sont couverts d’arbres et de vignes nombreuses. L’exploitation renouvelée après une grande éruption du Vésuve est toujours d’actualité, malgré le risque encouru.

 

 

 

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