La cartographie antique

 

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"Dessiner les formes de la terre"

Pour les Anciens, la géographie "est la représentation par le dessin de la partie connue de la terre dans sa totalité" (Ptolémée, I, 1). Le vocabulaire du "graphique" c'est-à-dire du dessin (du verbe grec gréafein) est contamment présent. La carte devient un support imagé indispensable à la réflexion géographique et à la description. au niveau chorographique, on représente la terre de façon régionale, offrant une description "partagée en morceaux" (Ptolémée, I, 1).

L’essentiel pour un géographe de l’Antiquité est de représenter les contours des pays, le dessin des rivages et des fleuves, le site des villes et des villages, la place des forêts et des montagnes.

Comme l'a précisé Strabon dès son livre II (II, 5, 17), la rôle de la mer au niveau cartographique est essentiel pour ls Anciens : elle délimite les formes des terres : "Généralement, la mer dessine et donne une forme à la terre, réalisant les golfes, les différentes mers, les détroits et pareillement les isthmes, les presqu'îles et les caps." Ces formes sont souvent géométriques ou métaphoriques dans les textes, dans le but d'être alors évocatrices et mémorisables. On peut considérer que des auteurs comme Strabon, Méla, ou Denys d'Alexandrie avaient une carte sous les yeux, dans la mesure où ils suivent un ordre précis dans leur texte géographique ou chorographique. Les limites doivent être claires, aussi sont-elles choisies parmi les éléments naturels : rivages, mer, fleuves, montagnes. La carte repose aussi sur un quadrillage géométrique de la terre habitée, de façon à ce que tout lecteur  puisse la retracer  d'après les indications du texte du géographe. C'est le but avoué par Ptolémée, qui va donner lieu à de multiples manuscrits à la Renaissance, d'après son texte.

Les progrès des cartes

Comme nous l’avons vu (terra_cognita ), Hérodote rit de ceux qui « dessinent «  les contours de la terre » (IV, 36). Il raconte aussi qu’Aristagoras de Milet, fait la tournée des capitales en portant « une tablette de cuivre sur laquelle était gravés  les contours de toute la terre, toute la mer et les fleuves » (V, 49). Il s’agit de pinaces, (pluriel de pinax), des tablettes, premier support cartographique.

Or les géographes de l'Antiquité sont pour le plupart tibutaires des cartes antérieures, sur lesquelles ils travaillent en bibliothèque, rectifiant ou reprenant des représentations antérieures. ainsi Strabon insiste-t-il beaucoup sur le fait qu'il cherche à déceler lacunes et erreurs et à les rectifier, et il affirme que "c'est une gloire de le faire" (I, 2, 1).

La carte d’Eratosthène était très générale, avec des contours schématiques du monde habité, quelques villes repères, les grands fleuves, les mers et rivages, les montagnes.

La carte du monde habité élaborée par Agrippa, sous Auguste, au début du Ier s., et affichée sous le Portique Vipsania au Forum, ne contenait sans doute pas non plus beaucoup de détails.

Ptolémée est un réel progrès dans la conception cartographique : il veut être précis, décrivant chaque province avec des coordonnées pour chaque lieu cité qui est "remarquable" (I, 19, 1), privilégiant les villes et les peuples.

Son but est de donner des informations suffisantes pour que l'on "mette en place" avec un "ordre précis" les éléments de son catalogue géographique. Ils reprend les points remarquables traditionnels tels que presqu'îles, golfes, caps, embouchures de fleuves, montagnes, des livres II à VII de son œuvre géographique. Avec son oeuvre, on peut réaliser une carte générale du monde connu en projection conique simple ou arrondie, et 26 cartes régionales dessinée en projection orthogonale.

La carte"en forme de chlamyde"

La représentation globale avec les cartes du monde connu qu'on a pu tracer d'après les grands auteurs de la période romaine antérieure à Ptolémée (cartes_du monde connu), montre un monde connu "en forme de chlamyde", comme l'a décrit Strabon (II, 5, 6), c'est-à-dire une île oblongue qui n'occupe pas plus du quart du globe terrestre, dans la théorie de quatre mondes symétriques séparés par des ceintures océaniques : "Que le monde habité soit une île, c'est d'abord l'expérience sensible qui nous force à l'admettre ; de tous côtés, en quelque direction qu'il ait été possible d'atteindre les confins de la terre qui nous porte, l'on rencontre la mer que nosu nommons précisément Océan. Là où il n'est pas donné aux sens de nous le faire admettre, le raisonnement le démontre". On constate que l'intérêt des auteurs -et donc leur étude et leur texte- s'arrête à la zone connue et  habitable de l'hémisphère nord, c'est-à-dire qu'elle est centrée sur la Méditerranée. De plus, l'idée de l'Océan demeure essentielle dans leur représentation du monde habité.

le monde connu vu par Strabon

La carte d'après Ptolémée

Ptolémée ne se préoccupe pas de défendre ou d'attaquer la thèse de l'insularité du monde habité, il  s'attache à la précision de son contenu. Les cartes de Marin de Tyr (dont l'oeuvre est perdue, mais citée comme référence par Ptolémée) reproduisaient les cartes existantes en rectifiant certaines localisations et en étendant la connaissance vers le sud de l'équateur. La carte du monde de Ptolémée, comprise dans la Cosmographia, s'étend de 0° à 180° à l'Est de la longitude 0°, c'est-à-dire des Iles Fortunées jusqu'à l'Est de l'Asie. En latitude la carte s'étend approxima tivement, du tropique du Capricorne jusqu'au cercle Arctique, c'est-à-dire de 63° de latitude Nord jusqu'à 16°25' de latitude Sud. Une des caractéristiques de la carte du monde de Ptolémée est la longitude fort exagérée de la Méditerranée.

Au livre VII (VII, 5, 2) de son oeuvre, à la fin, il limite la fraction de la terre qui contient notre monde habité"  :

-à l'est par une terre inconnue prolongeant le territoire des Sines et des Sères

-au sud par une terre inconnue fermant la mer de l'Inde et incluant en Libye (Afrique) le paysa d'Agisymba,

-à l'ouest, par la terre inconnue qui en Libye, borde le golfe éthiopique, puis par l'Océan occidental ;

-au nord, par le même Océan, puis par la terre inconnue qui borde l'Asie septentrionale.

Ptolémée indique donc l'existence périphérique de "terres inconnues" qui deviennent des limites naturelles car leurs caractéristiques sont des obstacles : la zone froide septentrionale et la zone torride. Il n'y a qu'à ouest, sur la moderne façade atlantique, que le monde habité n'est pas limité par des terres inconnues, mais par l'eau.

La différence cartographique  avec la représentation tracée d'après ses prédécesseurs antiques est alors très nette : la plupart des mers sont fermées, sauf à l'ouest. Au sud, la limite du monde est une côte artificiellement rectiligne avec quelques sinuosités fantaisistes pour donner de la crédibilité.

Les cartes des manuscrits  de la Géographie de Ptolémée (cartes_du monde connu) en sont une excellente illustration même si elles ont été dessinées à la Renaissance, dont voici deux exemples avec deux types de projection différents :

 On voit nettement ce qu'il semble important de représenter à l'échelle du monde connu : mers, fleuves, montagnes, le tout avec des reprères géométriques (un quadrillage) et la présence  très décorative des vents, à l'extérieur, représentés en amours ou en jeunes garçons joufflus.

La carte selon Ptolémée est un modèle suivi pendant très longtemps...Mercator, au XVI e siècle, va dessiner et publier des cartes de Ptolémée en 1584, en latin, selon la méthode du géographe antique, avant de proposer son propre système de projection...

Les cartes en TO

L'oikoumène va aussi  être dessiné de façon très schématique et peu détaillée dans de nombreux manuscrits médiévaux qu'on appelle  en TO : le O figure la fameuse ceinture océanique, la hampe du T est la Méditerranée, les barres horizontales du T sont le Tanaïs des Anciens (le Don moderne), au nord, frontière entre l'Europe et l'Asie, et le Nil, au sud, séparation entre l'Asie et l'Afrique. Depuis Orose (géographes), l'Afrique est considérée comme "plus petite et mineure en tout" (I, 2, 86) ; l'Asie est le plus grand des trois continents.

Ces représentations montrent toujours une terre haute en couleurs, sillonnée de mers, montagnes, fleuves surdimensionnés. 

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