L'avancée
militaire pour la domination romaine
Les motifs d’une avancée romaine
dans des régions
inexplorées peuvent être de plusieurs sortes. Mais
il est clair que la "pacification"
d’un territoire « belliqueux » et « sauvage »,
en marge du monde « civilisé » romain est un
argument omniprésent de l’avancée et de la conquête armée. En vue de cette
conquête, à travers cette conquête, et après cette conquête, les Romains
pénètrent dans les massifs montagneux inconnus, franchissent mers et cours
d'eau nouveaux, remontent aux sources inexplorées.
A la fin du premier siècle, Flavius Josèphe déplore
cette éternelle tentation romaine de faire reculer les frontières de
l’empire (B.J., II, 363) : « Plus exactement ils (les
Romains) cherchent quelque chose de plus que ce monde-là. Car ils ne se
contentent plus de la frontière de l’Euphrate à l’est, ni de celle de l’Istros
au nord, ni, au midi, de l’Afrique, qu’il ont explorée jusqu’au désert, ni de Gadès, à l’ouest. »
A l’époque hellénistique,
ce fut déjà le cas d’Alexandre le Grand, dont l’expédition en Orient permit de
doubler la surface de la terre habitée, en connaissant dès lors le plateau
iranien, la vallée de l’Indus et le littoral de l’Océan Indien. Les auteurs de
la période impériale romaine gardent d’ailleurs beaucoup de traces de ses découvertes
et de celles de ses successeurs dans leurs écrits, se contentant parfois de ces
informations largement périmées ou non renouvelées.
Dans les textes des auteurs
antiques, ce progrès dans la connaissance des paysages n’apparaît que très
rarement comme sujet, excepté pour des découvertes telles que la
localisation des sources des grands fleuves comme le Danube ou le Nil, importants pour l’Empire,
stratégiquement et/ou économiquement. Les sources sont à l’origine de plusieurs
expéditions décidées par des empereurs. L’ouverture de routes nécessite aussi une découverte des lieux pour le choix du meilleur itinéraire
possible, c'est-à-dire le plus rapide et le moins difficile techniquement (il
est significatif qu'on compte en jours de marche la
longueur d'un itinéraire), à travers un relief
qui peut être tourmenté.
La
transmission des connaissances
A l’occasion d’une prise de parti sur l’oronymie
(les noms donnés aux montagnes), Pline l’Ancien
donne par exemple de précieuses indications sur la transmisssion des
connaissances grâce à ces expéditions militaires : « Ici, il nous faut corriger une erreur
commise par beaucoup de gens, même par ceux qui récemment ont participé à la
guerre menée par Corbulon en Arménie. Ils ont donné le nom de Portes Caspiennes
au col situé en Hibérie, qui, comme nous l’avons dit, est appelé Portes du
Caucase, et des cartes de la région envoyées de là-bas ont ce nom-là
inscrit. » (VI, 40).
L’information est ici
capitale : les militaires tracent donc des cartes des nouvelles régions (situs
depicti) avec des noms, et ils les
envoient à Rome. Le progrès des connaissances par l’armée est un élément de
propagande impériale car il est une des manifestations de l’éclat d’un règne. A
cet égard, ce sont les règnes d’Auguste et de Trajan qui sont les plus
marquants.
La
voie civile des marchands
Mais la voie civile est également très
importante, et les progrès sont plus dus aux commerçants qu’aux fonctionnaires
de l’administration impériale. Pline a opposé avec franchise l’efficacité des
avancées commerciales à l’ignorance des « dignitaires » affairistes,
peu portés à des enquêtes à visée scientifique (V, 12) : « Les dignitaires, s’ils répugnent à dépister
la vérité, ne répugnent pas au mensonge par honte de leur ignorance. »
Pline déplore que les informations des membres de l’ordre équestre (dans
l’administration) soient lacunaires (V, 12) : « Assurément, je m’étonne moins qu’il y ait
certaines lacunes dans l’information de personnages de l’ordre équestre » .
C’est dire que les informations des
textes dont nous disposons proviennent le plus souvent de sources autres, par
exemple des écrits du roi maurétanien Juba, qui a régné de 25 av. J.-C. à 25
ap. J.-C., et qui a fourni d’importants renseignements aux géographes de l’empire romain, notamment sur les Iles Fortunées, c’est à
dire les Canaries modernes et sur l’Afrique occidentale.
|